Comment déconfiner nos émotions ?

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Les émotions sont au cœur de toute communication humaine. Elles font partie intégrante de notre vie, se mélangeant à l’envi et provoquant le meilleur comme le pire.

Les émotions sont à priori nos amies (grâce à elles, on rit, on aime, on se protège, on vit !), mais souvent, quand il y a une surcharge émotionnelle, que cela déborde, on ne sait plus comment interagir avec elles, et elles deviennent alors submergeantes, nous entrainant dans un tourbillon de difficultés qui vont rapidement se transformer en véritables problèmes.

Aujourd’hui, nous sommes dans une situation inédite en France et dans le Monde. Toutes sortes d’émotions se manifestent, et dans un contexte de confinement, elles risquent de nous envahir, nous emportant comme une lame de fond.

La peur est la première émotion qui bien sûr nous vient à l’esprit, et c’est logique : le virus est très contagieux, il progresse d’heure en heure, les experts sont en désaccord, on manque de moyens humains et matériels, les informations nous assaillent et sont discordantes, plus de 2 milliards de personnes sont confinées, avec toutes les conséquences collatérales que cela implique, en particulier le chômage et les difficultés financières.

La colère aussi va avoir tendance à se manifester : on se sent impuissants, nos libertés sont entravées, on est obligés de supporter les autres (ceux avec lesquels on est confinés, et/ou ceux qui inondent les réseaux sociaux vers lesquels on se réfugie pour garder un brin de lien social, sans parler de ceux qui décident pour nous), parfois dans un climat difficile : les relations peuvent se détériorer et la frustration, puis la colère, nous envahir.

La douleur : être séparé de ses proches, ne pas pouvoir aller au chevet de ses parents, perdre quelqu’un de cher, ne pas pouvoir organiser de funérailles en cas de décès : autant de frustrations qui engendrent une grande douleur.

La honte peut aussi pointer le bout de son nez : il a fallu tout ça pour que je prenne conscience de…, quel est ce monde dans lequel je vivais égoïstement sans craindre les conséquences, pourquoi au début me suis-je cru invincible, pourquoi je n’ai pas tout de suite respecté les consignes ??? J’ai peut-être traité certains d’alarmistes, non vraiment, je n’y croyais pas.

Et la culpabilité ? Elle ne sera certes pas la dernière ! Si j’avais su, je serais allé(e) voir mes parents plus souvent, je n’ai pas revu untel et il est mort, pourquoi ai-je laissé notre amitié s’étioler de la sorte, c’est de ma faute, je n’ai pas rappelé cette personne, maintenant elle est malade et je ne vais peut-être jamais la revoir, elle ne saura jamais que je pense à elle…

Et je ne parle pas de la tristesse (qui va précéder la douleur), de l’anxiété (pouvant provoquer des crises d’angoisse, voire des comportements délirants), du mépris (c’est quoi ce voisin qui sort 3 fois par jour ?), de l’orgueil (moi au moins je ne fais pas ci ou ça), de la jalousie (untel a de la chance, il a un jardin et des enfants modèles, c’est facile) : elles sont nombreuses nos émotions, et elles ne demandent qu’à s’exprimer, et qu’à exploser quand elles sont confinées !

En thérapie brève et stratégique, on part du principe que tout est interactionnel. Or ici les interactions vont changer contre notre propre gré, nécessairement. Il y aura plus d’interactions en famille à priori, moins d’interactions directes en société. Elles vont en tous cas se déplacer vers d’autres moyens que le vis-à-vis : SMS, Skype, WhatsApp et autres… On va en inventer de nouvelles, à l’instar de ce jeune homme qui a institué un « questions pour un balcon » dans sa rue, et qui questionne chaque soir ses voisins depuis sa fenêtre en créant 2 équipes (les « pairs » et les « impairs »). Non, définitivement, on ne ressortira pas de ce confinement comme avant. Les interactions vont changer, et les émotions vont s’en donner à cœur joie. Attention alors au débordement émotionnel.

Car nos émotions, quand elles ne sont pas écoutées, ont tendances à s’emballer. Or comment laisser libre cours à nos émotions quand on est confinés ? Il parait normal de faire taire sa colère pour ne pas rendre le climat irrespirable, de ne pas laisser libre cours à sa tristesse devant ses enfants, de contenir sa douleur pour tenter de l’amoindrir, de cacher sa honte car on ne veut plus la ressentir, de fuir son sentiment de culpabilité car on a d’autres chats à fouetter, là, tout de suite (faire l’école aux enfants, télétravailler, tenter une sortie pour les courses, essayer de faire un peu d’exercice…). SURTOUT.NE.PAS.SE.LAISSER.ALLER. Mais lâcher prise… Quel paradoxe.

On va donc avoir tendance à contenir nos émotions, et le risque alors, sera que cela fasse pression sur nous comme une cocotte-minute, avec à terme une explosion ou une implosion.

Le génial modèle de Palo Alto nous donne de nombreuses pistes que nous pourrons explorer avec nos patients. Et la première est celle-ci : pour opérer un 180 degrés sur nos tentatives de solutions qui consistent à mettre en place des stratégies d’évitement et de contrôle pour faire taire nos émotions, si nous commencions au moins par les nommer ? Ce serait déjà reconnaitre qu’elles existent, un premier petit pas vers le changement. Ensuite il sera temps de les connecter à une observation (qu’est-ce que je ressens ? et physiquement ? quels sont les symptômes de cette colère, de cette tristesse ? comment ça commence, comment ça s’arrête ?). Puis on mettra en place de petites actions accessibles immédiatement, car même dans un contexte de confinement, il y a des solutions, et l’être humain a souvent montré au cours de l’Histoire son extraordinaire capacité d’adaptation.

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